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DUSAN T. BATAKOVIC

LE GENOCIDE DANS
L'ETAT INDEPENDANT CROATE
1941-1945

L'Etat Indépendant Croate (NDH) sous la protection du Troisième Reich a été proclamé le 10 avril 1941 à Zagreb, quatre jours après l'attaque de Hitler contre le Royaume de Yougoslavie et une semaine avant la capitulation finale de son armée. La proclamation du NDH, encouragée par l'arrivée des avant-gardes allemandes, a été lue sur Radio Zagreb par Slavko Kvaternik, ancien officier de l'armée austro-hongroise, au nom de Ante Pavelic, dirigeant des Oustachis - les fascistes croates - qui se trouvait à ce moment-là à Florence, en Italie. Immédiatement après, il a également été donné lecture de l'appel du Dr. Vladko Macek, président du Parti Paysan Croate et officiellement vice-président du gouvernement royal yougoslave, qui demandait que la population respecte les nouvelles autorités. Mussolini a ordonné que Pavelic avec ses 250 oustachis qui avaient vécu sous la protection de l'Italie pendant une décennie, soient transportés en Croatie, après avoir au préalable donné la garantie que la Dalmatie serait cédée à l'Italie.

Pavelic est arrivé à Zagreb le 15 avril et a pris les rênes du pouvoir. Aux termes de l'accord de Rome du 18 mai 1941 sur "les garanties et la collaboration entre le Royaume de Croatie et le Royaume d'Italie", l'Etat Indépendant Croate est devenu un protectorat de l'Italie et la couronne croate du roi Zvonimir (1075-1089) a été offerte au duc Aimone de Spoleto, de la Maison de Savoie. Il devait être couronné à Banja Luka, ville choisie par Pavelic pour être la capitale de l'Etat Indépendant Croate, mais le duc de Spoleto qui devait devenir Tomislav II a refusé l'offre. Bien que aux termes de lþaccord Hitler-Mussolini, le NDH devait tomber dans la sphère d'influence italienne, le véritable pouvoir à Zagreb était exercé par l'envoyé militaire du Reich, le général Edmund Glaise von Horstenau, ancien officier de l'armée austro-hongroise et historien militaire. Toujours aux termes de l'accord Hitler-Mussolini, les territoires suivants entraient dans la composition du nouvel Etat: la Croatie, la Slavonie, une partie de la Dalmatie, de Split à Dubrovnik, ainsi que trois îles de l'Adriatique. Le 23 avril 1941 l'armée allemande cédait toute la Bosnie-Herzégovine à la Croatie, y ajoutant le Srem, le sud-ouest de la Voïvodine, jusqu'à Zemun, petite ville que seule la rivière Sava séparait de Belgrade, la capitale de la Serbie, occupée par les Allemands. (1) Selon une statistique croate de 1941, la composition ethnique du nouvel Etat était la suivante:

Croates 3.069.000 50.78%
Serbes 1.847.000 30.56%
Musulmans 717.000 11.86%
Autres 410.000 6.80% (2)
Le nombre élevé des Serbes constituait le principal problème des nouvelles autorités. Selon les résultats du recensement de 1931 les Serbes constituaient la majorité relative de la population en Bosnie-Herzégovine (44,3%), la majorité absolue dans le territoire de Krajina (régions de Lika, Kordun, Banija et la Slavonie occidentale), autrefois les Confins Militaires autrichien (Militergränze) et plus de 50% de l'ensemble de la population dans le Srem. Leur chiffre effectif était beaucoup plus important que celui qui était indiqué dans les statistiques officielles. Sur le territoire faisant partie du NDH, selon le recensement de 1921, il y avait 1.570.000 Serbes orthodoxes et selon le recensement de 1931: 1.850.000. Avec un accroissement annuel de 1,8% il devait y avoir 2.180.000 Serbes en 1941 et selon certaines évaluations, il y en avait encore plus, soit 2.200.000. (3)

Lors de leur réunion du 7 juin 1941, Hitler avait conseillé à Pavelic de résoudre le problème des Serbes dans le NDH de la même manière que celui des Polonais vivant sur les frontières orientales du Troisième Reich. Partisan, lui aussi, de la théorie de la supériorité raciale, Pavelic disposait dans son propre pays de modèles pour la solution des rapports interethniques. Jusqu'à son émigration en 1929, Pavelic qui appartenait au Hrvatska stranka prava (Parti croate du Droit) que l'on appelait aussi les Frankovci (du nom du successeur de Starcevic, Josip Frank) était le tenant de la doctrine de Ante Starcevic(1823-1896), premier idéologue et fondateur du parti. En opposition avec le programme yougoslave pour le rapprochement serbo-croate, Starcevic contestait résolument l'existence même de la nation serbe en Croatie. Il défendait la théorie selon laquelle les Serbes étaient des 'intrus' en Croatie, les qualifiant de 'race de chiens' qui avait 'vagabondée', jusqu'en Croatie. L'idéologie de Starcevic a été incorporée par Pavelic dans les Principes du Mouvement Oustachi et dès sa venue au pouvoir, il a solennellement procédé à la publication des oeuvres choisies de son maître à penser. (4) L'archevêque catholique de Sarajevo, Mgr Ivan Saric, a publié à Noël 1941 à Zagreb son 'Ode au Poglavnik' (Poglavnik - führer, duce, en croate), disant: "Ante Starcevic, c'est lui qui t'a inspiré / C'est lui qui fut ton idéal". (5)

Puisant dans Stracevic, les Oustachis ont adopté la thèse selon laquelle les Musulmans de Bosnie sont la partie la plus pure de la nation croate: "Ils sont de la race croate, ils sont la plus ancienne et la plus pure noblesse qu'ait l'Europe."(6) Dans son discours du 25 mai 1941 prononcé à Banja Luka, le ministre oustachi Jozo Dumancic a souligné: "C'est du même amour même que celui que portait Stracevic que notre Poglavnik aime nos frères musulmans".(7) Une partie des dirigeants politiques (Osman et Dzafer Kulenovic) est entrée au gouvernement oustachi, et une portion significative des musulmans de Bosnie a été organisée dans le cadre de la Division SS Handzar (poignard, en arabe) qui a perpétré de grands massacres au sein de la population serbe en Bosnie-Herzégovine. Toutefois, une partie des notables musulmans a pris ses distances, dès le début de la guerre, par rapport au nouveau régime, condamnant les crimes commis contre les Serbes et les Juifs et condamnant les musulmans qui y prenaient part. (8)

LA PYRAMIDE DE LA DISCRIMINATION

Aussitôt après la mise en place de l'administration oustachi, les réglementations en matière d'appartenance raciale ont été décrétées. Le 30 avril 1941 étaient publiées: La réglementation juridique au sujet de l'appartenance raciale et La réglementation juridique pour la protection du sang aryen et de l'honneur du peuple croate. Dans la réglementation, il est dit que "le mariage des Juifs et des personnes qui ne sont pas d'origine aryenne, est interdit." Etait également interdit le mariage d'une personne qui outre des ancêtres aryens compte également un ancêtre de la deuxième génération qui est de race juive ou appartenant à une autre population européenne non-aryenne, avec une personne qui est, de par sa race, de la même origine.(9)

Pour ce qui est des Serbes, le 3 mai une réglementation avait été proclamée, prévoyant la conversion d'une religion à l'autre. Il sþagissait là de la première réglementation sur la conversion forcée des Serbes. La réglementation en vue de la protection du peuple et l'Etat (17 avril 1941) portait sur la création 'des tribunaux nationaux extraordinaires'. Voici le témoignage du journaliste croate Sime Balen quant au travail de ces tribunaux: "Il suffisait qu'un oustachi jette son dévolu sur un magasin appartenant à un Juif ou à un Serbe pour quþil accuse le propriétaire de 'sabotage' et le traîne devant le tribunal qui le proclamait immédiatement "coupable de haute trahison et le faisait fusiller, l'établissement était alors attribué à cet oustachi." (10) Très rapidement, les 'cours martiales' ont été établies dont les principales victimes furent les Serbes et les Juifs. (11)

Dés son arrivée à Zagreb, Pavelic a déclaré, parlant comme un vainqueur: "J'ai abattu l'arbre (allusion au meurtre du roi Alexandre à Marseille en 1934), à vous de tailler les branches (le peuple serbe)". Après son discours du 21 mai 1941 au cours duquel il a exposé son programme, sur l'avenir de la 'nouvelle Croatie', ses plus proches collaborateurs, ses ministres et les dignitaires de l'armée ont développé les prémisses du Poglavnik quant à la question serbe. Milovan Zanic, chef de la diplomatie de la NDH, parlant à Nova Gradiska, a dit: "Oustachis! Je parle ouvertement, cet Etat, notre patrie doit être croate et ne doit jamais plus être celle d'un autre. Et c'est pourquoi ceux qui sont venus ici doivent repartir. Les événements survenus au cours des siècles et plus particulièrement au cours de ces vingt ans (la durée du Royaume de Yougoslavie) montrent que tout compromis est exclu. Ceci doit être la terre des Croates et de personne d'autre et il n'est pas de méthode que, nous, en tant que Oustachis, nous n'utiliserons pas pour faire que cette terre soit vraiment croate et que nous la nettoyions des Serbes qui nous ont mis en danger depuis des siècles entiers et qui nous mettraient de nouveau en danger à la première occasion. Nous n'en faisons pas un secret, il s'agit là de la politique de cet Etat et lorsque nous l'aurons réalisé, nous aurons réalisé ce qui est inscrit dans les principes oustachis." (12) Prenant la parole à Donji Miholjac, il a menacé: "Le peuple croate doit se purifier de tous les éléments qui représentent le malheur de ce peuple, qui sont étrangers à ce peuple, et qui détruisent les forces saines de ce peuple, qui pendant des décennies ont poussé ce peuple dans un malheur puis dans un autre. Il s'agit là de nos Serbes et de nos Juifs." (13)

Mile Budak, ministre oustachi des cultes et de l'éducation, a prononcé un discours à Slavonski Brod, disant: "Nous avons, non seulement le droit mais le devoir d'exiger de la population orthodoxe locale que cette population comprenne ce qu'elle est et qu'elle prenne ses décisions en conséquence. C'est pourquoi, nous avons le droit de dire: si quelqu'un est Serbe, il a la Serbie et c'est là-bas sa patrie." (14) A Gospic, devant le Grand Parlement oustachi, de 1941, Mile Budak a exposé avec beaucoup de précision comment serait mise en oeuvre la 'solution finale' de la question serbe: "Nous tuerons une partie des Serbes, une autre partie nous l'expulserons et le reste nous les convertirons à la religion catholique et les transformerons ainsi en Croates": (15)

Dès l'établissement des autorités oustacheis en Croatie, les Serbes ont été soumis à tous sortes de discriminations. L'utilisation de l'écriture cyrillique a été interdite, on a supprimé l'appellation de 'religion serbe-orthodoxe' et créé 'la religion gréco-orientale'. Il était interdit aux Serbes de se déplacer de nuit. Tous les Serbes des beaux quartiers des villes ont été délogiés et les Serbes, tout comme les Juifs, ont été obligés de porter sur le revers de la veste une bande de couleur bleue avec la lettre majuscule 'P' (Pravoslavni - orthodoxe). Les emprisonnements d'individus sont rapidement devenus des arrestations en masse, et vers la fin du mois d'avril les massacres en masse ont commencé.(16)


LES MASSACRES

L'historienne croate Fikreta Jelic-Butic a reconstitué, sur la base de matériaux oustachis authentiques, la chronologie des persécutions exercées sur les Serbes au cours des premiers mois qui ont suivi l'établissement de l'Etat Indépendant Croate: "Outre l'emprisonnement d'un nombre toujours plus élevé de Serbes dans des camps, où devaient rapidement commencer les massacres en masse, des massacres ont également eu lieu dans diverses localités. Dans le village de Gudovac, près de Bjelovar, les oustachis ont fusillé 184 paysans serbes entre les 27 et 28 avril. A Blagaj, dans la région du Kordun, après avoir appelé les Serbes de Veljun et des agglomérations avoisinantes à se rassembler, les oustachis ont tué près de 250 paysans qui avaient répondu à l'appel. Quelques jours plus tard, les 11 et 12 mai, près de 300 Serbes ont été massacrés à Glina. En mois du juin, d'autres massacres encore plus vastes ont eu lieu en Herzégovine. Dans la banlieue de Ljubinje, les oustachis ont entrepris le 2 juin un massacre en masse au cours duquel près de 140 paysans serbes ont trouvé la mort. Trois jours plus tard, les oustachis ont égorgé quelque 180 paysans du village de Korita, près de Gacko. Ensuite, le 23 juin, toujours près de Ljubinje, 160 hommes ont été tués et dans trois villages près de Gacko, quelques 80 hommes, femmes et enfants ont été tués. Deux jours plus tard, dans quelques villages du district de Stolac, 260 hommes ont été égorgés. Le 30 juin, à Ljubusko, près de 90 Serbes amenés de Capljina ont été tués. En juin, c'était le massacre des Serbes sur la territoire de la Dalmatie du Nord. Les massacres ont commencé par l'emprisonnement en masse des Serbes dans les districts de Drnis et de Knin. Tout d'abord, quelques 60 paysans serbes ont été capturés dans trois villages: ils ont été enfermés dans la forteresse de Knin et ensuite ils ont été égorgés. Un groupe d'environ 50 Serbes a été massacré sur la route Knin-Gracac. Dans la nuit du 19 au 20 juin, les oustachis ont arrêté 76 Serbes de Knin et Kninsko Polje et les ont tué à Promina. Dans certains villages des communes de Vrlika, Drnis et Promina près de 250 paysans serbes ont été tués dont un grand nombre de femmes et d'enfants. Dans quatre villages autour de Knin, 70 serbes ont été tués avant le 12 juillet. Dans le village de Prosoj, près de Sinj, quelque 90 personnes ont été emprisonnés et ensuite tuées. (17)

Les massacres en masse ont continué au cours des mois suivants: En juillet - poursuit F.Jelic-Butic - une série de massacres a été organisée, atteignant son apogée vers la fin du mois. C'est l'époque de l'insurrection armée du peuple en Croatie comme en Bosnie et en Herzégovine. Le 1er juillet, dans le village de Suvaj, près de Gracac, près de 300 hommes, femmes et enfants ont été tués. Dans le village de Grahovac près de Petrinja, les oustachis ont massacré près de 1.200 personnes les 24 et 25 juillet. Du 20 au 27 juillet, a Prijeboj et dans les environs, plusieurs centaines d'hommes ont été tués. Dans la nuit du 27 au 28, à Primislje, quelque 80 hommes ont été emprisonnés; ils devaient être massacrés à Slunj. Le lendemain, le 28 juillet, les oustachis ont tué près de 180 Serbes près de Vojnic. Ce même jour, quelque 50 hommes et femmes du village de Polace, près de Knin ont été massacrés. Le lendemain, le 29 juillet a eu lieu le grand massacre de plusieurs centaines de Serbes dans l'église de Glina. Selon certaines sources, à la fin-juillet, près de 2.000 Serbes ont été tué à Glina. Il y a eu simultanément le massacre d'environ 500 Serbes de Gracac et des environs. Les plus grands massacres sur le territoire de la Bosnie ont eu lieu vers la fin-juillet dans les régions occidentales. On croit que, ces jours-là, dans les districts de Bihac, Bosanska Krupa et Cazin quelque 20.000 Serbes ont été tués, environ 6.000 dans les district de Sanski Most et également environ 6.000 dans les districts de Prijedor, et Bosanski Brod, cependant que les oustachis ont tué environ 250 personnes dans les villages serbes de Duvno. A partir du 29 juillet commencent les massacres en masse dans la région de Livno, au cours des mois à venir, ils devaient impliquer plus de 1000 Serbes." (18) A Prebilovci et Surmanci, en Herzégovine, 559 Serbes ont été tués, exclusivement des vieillards, des femmes et des enfants. Ils avaient été emmenés jusqu'au gouffre appelé Golubinka où ils ont été massacrés et jetés dans le gouffre. Les massacres n'ont pas épargné la région du Srem non plus. Après les massacres en 1941, à Ruma, le 12 août 1942 soixante personnes ont été tuées, et 140 Serbes ont été tués le 25 août à Vukovar. (19)

Les dimensions mêmes de ce massacres ont frappé de stupéfaction les représentants de l'Italie et de l'Allemagne dans le NDH. Le 28 juin, Glaise von Horstenau signalait que "selon des rapports dignes de foi en provenance d'un grand nombre d'observateurs civils et militaires allemands, au cours des quelques dernières, dans les villes et les campagnes, les Oustachis sont devenus totalement fous." (20) Au début du mois de juillet, le général von Horstenau signalait avec étonnement que "les Croates ont expulsé de Zagreb tous les intellectuels serbes". Le 10 juillet, il parlait du "traitement absolument inhumain que l'on fait subir aux Serbes vivant en Croatie", parlant de l'embarras des Allemands qui "avec six bataillons de fantassins" ne pouvaient faire autre chose que d'observer "la fureur aveugle et sanglante des oustachis." (21)

Le Colonel italien Umberto Salvatore écrivait le 1er août 1941 qu'il avait "trouvé que Gracac ressemblait à l'Enfer de Dante, des coups de feu étaient tirés, des femmes et des enfants hurlant et, partout, des hommes arrogants et provocateurs, avec des visages de bourreaux, portant l'uniforme des oustachis." (22). Des informations détaillées fournies par les autorités militaires italiennes en 1941 témoignent du grand nombre de victimes. Dans un seul mémorandum intitulé Documentation sur les actions illégales et brutales commis par les oustachis sur la population yougoslave, on parle de 141 cas de massacres en masse avec la liste fort précise de 46.286 personnes tuées, cependant que l'ensemble de la documentation pour la période d'avril à août 1941 indique que le nombre des victimes - en grande partie des Serbes, s'élevait à plus de 80.000. (23)


LES CAMPS DE CONCENTRATION

Dès l'été 1941 des camps de transit ont été établis que qui suivant le modèle nazi sont rapidement devenus des camps de concentration. Les plus grands 'camps de la mort' se trouvaient à Jasenovac, Jadovno près de Gospic, Stara Gradiska, Jastrebarsko. Fikreta Jelic-Butic rapporte que les "principaux et les plus grands camps dans le NDH se trouvaient à Jasenovac et à Stara Gradiska. Le camp de Jasenovac prend naissance au cours de l'été 1941, lorsque les oustachis commencent à y amener des groupes de Serbes et de Juifs (Camp N°1). L'arrivée d'autres prisonniers mène à l'expansion du camp (Camp N° II). A partir de novembre 1941, le camp continue de s'agrandit (Camp N°III et Camp N° IV)." (24)

F.Jelic-Butic rappelle que c'est dans le camp de Jasenovac, qui a été installé au confluent de la rivière Una et de la rivière Sava "que le plus grand nombre d'êtres humaines ont été tués dans le NDH - plusieurs centaines de milliers. Selon les données de la Commission nationale croate pour l'établissement des crimes des occupants et de leurs collaborateurs, il est calculé que ce nombre est d'environ 500 à 600.000. Les recherches dans les cimetières qui sont effectuées dans la zone mémorielle de Jasenovac ont établi que sur les territoires examinés jusqu'ici, soit une surface de 57.000 mètres carrés plus de 360.000 prisonniers exécutés ont été enterrés. Les données correspondantes sont contenues dans la brochure Jasenovac et les camps de Jasenovac (Jasenovac 1974) rédigée par R. Trivuncic. L'auteur conclut: 'Sur la base des indicateurs de surface et des témoignages des prisonniers qui ont survécu, le chiffre de 700.000 prisonniers exécutés est très réaliste'."(25)

Selon les données fournies par Edmond Paris, près de 200.000 homes ont perdu la vie à Jasenovac en 1941-1942. Pendant la seule année 1942, il y avait à Jasenovac environ 24.000 enfants dont 12.000 ont été tués: "Des foules entières d'enfants juifs ont été brûlées vivantes dans les fours de l'ancienne briqueterie transformés en crématoires." (26). Vjekoslav Luburic, le responsable pour les camps de concentration, a déclaré à Jasenovac le 9 octobre 1942, lors d'une réception des plus hauts fonctionnaires de l'Etat Indépendant Croate: "Ainsi, au cours de cette année, à Jasenovac, nous avons égorgé plus d'hommes que tout l'empire ottoman ne l'a fait pendant toute la durée de la présence des Turcs en Europe." (27)

Selon les recherches de F.Jelic-Butic, lorsque le camp de concentration de Jadovno a été fermé en août 1941, le nombre des morts, en très grande majorité des Serbes et des Juifs, était de 35.000. Un grand nombre de femmes serbes et environ 1.300 femmes juives avec leurs enfants ont été transférées du camp de Lobograd vers le camp de Auschwitz, avant que le camp de Lobograd ne soit fermé en 1942. Dans le camp de Stara Gradiska, on procédait "tout particulièrement aux égorgements de femmes et d'enfants." (28) Près de 4.500 Serbes et 2.400 Juifs étaient internés dans le camp de concentration de l'île de Pag. A la veille de la remise de cette île aux Italiens, les oustachis ont massacré quelque 4.500 détenus. (29) Dans le camp de concentration de Jastrebarsko, les oustachis ont amené en 1942 environ 1.200 enfants des régions de la Banija et du Kordun (Krajina du nord). Ces jeunes internés ont été traités avec la plus extrême brutalité. Quatre cent quatre vingt six enfants ont rapidement succombé à la faim et seul un petit nombre d'eux a échappé à l'extermination.(30)

Dans un rapport envoyé le 20 février 1942 à Berlin, Glaise von Horstenau affirme que les estimations quant au nombre de Serbes tués dans le NDH oscillent entre 200.000 et 700.000 et que lui-même considère que le chiffre de 300.000 est exact. Les membres du gouvernement croate affirmaient qu'avant le début de l'année 1942, environ 250.000 Croates et 200.000 Serbes avaient été tués, mais Général von Horstenau était parvenu à la conclusion que le premier chiffre était trop élevé et le second trop bas. (31)

Les massacres en masse ont continué au cours des années suivantes. L'un des plus importants s'est déroulé à Kozara, dans le nord-ouest de la Bosnie lorsque, au cour d'une action combinée des forces allemandes et oustachies plusieurs dizaines de milliers de Serbes ont été tués, dont un grand nombre d'enfants. (32)

Les hauts dignitaires et les ecclésiastiques de l'église orthodoxe serbe étaient une cible privilégie des attaques oustachies. Sur le territoire de l'Etat Indépendant Croate il y avait 9 évêchés serbes, 1.100 églises, 31 monastères, 800 prêtres et 160 moines. Trois des principaux évêques, Mgr Platon Jovanovic de Banja Luka, Mgr Petar Zimonjic de Sarajevo,le métropolite de Bosnie et Mgr Sava Trlajic évêque de Karlovac ont été assassinés de manière brutale et le métropolite de Zagreb Mgr Dositej a été déporté à Belgrade après avoir été torturé. Dans le NDH près de 300 prêtres ont été tués cependant qu'un grand nombre étaient expulsés vers la Serbie. Dans le diocèse de Karlovac, 175 églises ont été incendiées, détruites ou fortement endommagées. Sur un nombre total de 189, seules 14 églises demeuraient intactes. Dans l'évêché de Pakrac, sur un total de 99 églises, 53 ont été incendiées, et 22 endommagées. Dans l'évêché de Dalmatie 18 églises ont été démolies et 55 endommagées sur un total de 109. Selon des informations qui sont parvenues au début de l'année 1945 au Patriarcat de Belgrade, sept églises ont été démolies et 6 fortement endommagées sur un total de 12 qui comptait le diocèse de Bosanska Dubica de l'évêché de Banja Luka. Dans le diocèse de Dubica, le nombre total des habitants serbes est tombé de 32.687 à 13.286. Sur l'ensemble du territoire du NDH, pendant les cinq ans de pouvoir oustachi, près de 400 églises et monastères serbes ont été démolis, cependant qu'un grand nombre, endommagés, servaient d'écuries, d'entrepôts, d'abattoirs pour le bétail ou de toilettes ouvertes au public. A Jasenovac, avant d'être entièrement détruite, l'église orthodoxe locale avait servi d'étable. Les destructions systématiques n'avaient même pas épargné les cimetières orthodoxes. Parmi les nombreux lieux de sépulture qui ont été saccagés, ceux qui ont été plus particulièrement endommagés ou plus exactement démolis et les sites labourés: citons, les cimetières dans les environs de Banja Luka, dans les cantons de Cajnice, de Brcko, Travnik, Mostar, Ljubinje, Slavonski Brod, Borovo, Tenja et bien d'autres. (33)


LES DEPORTATIONS

La Direction d'Etat pour le Renouveau dirigeait les déportations des Serbes. Sa tâche consistait à accueillir une partie des Slovènes en provenance des régions de la Slovénie qui étaient sous occupation allemande et à effectuer toutes les formalités nécessaires pour "délocaliser les population étrangères hors du territoire de l'Etat Indépendante Croate." (34) Les déportation de Serbes étaient effectuées san plan particulier et en plusieurs vagues. Selon les documents allemands, dès la fin-juin il y avait, en Serbie, près de 137.000 Serbes qui avaient fui ou avaient été expulsés de NDH, mais on estimait que, nombre d'entre eux ne s'étant pas présentés aux autorités serbes, leur nombre atteignait 180.000. Selon les données dont disposait le Commissariat pour les Réfugiés en Serbie, leur nombre dépassait déjà 200.000. (35)

Dans une interview accordée au journal allemand Neue Ordnung Pavelic avait déclaré: "Pour ce qui est des Serbes, il y a eu confusion dans les notions mêmes. Il n'y a pas beaucoup de vrais Serbes en Croatie: en grande partie, il s'agit de Croates de religion serbe-orthodoxe et de Valaques. Ce problème sera réglé de la meilleure manière, de celle qui sera la plus opportune. En accord avec les autorités allemandes, 250.000 Serbes seront envoyés en Serbie, cependant que les autres pourront rester ici." (36) Dans cet interview, Pavelic répétait simplement la thèse favorite, mais impossible à prouver, avancée par Ante Starcevic, selon laquelle les Serbes orthodoxes en Croatie sont, de par leur origine, soit des Croates soit des Valaques, des pasteurs roumains en transhumance dans les Alpes dinariques et qui, au cours des siècles, seraient devenus Serbes en se convertissant à l'orthodoxie. Afin que le souvenir même des Serbes s'efface, les oustachis ont, au début de l'année 1942, créé une Eglise orthodoxe croate à la tête de laquelle a été placé un moine russe émigré, du nom de Germogen.

L'émigration vers la Serbie n'a pu être mise en oeuvre conformément aux plans de Pavelic en raison de l'opposition des autorités allemandes en Serbie. Jusqu'au 25 août 1941, 13.343 Serbes ont été 'légalement' déportés en Serbie. Le 22 septembre 1941, les Allemands ont déclaré que l'émigration devait cesser et qu'ils n'accepteraient pas que les Serbes se trouvent dans certaines camps de concentration déterminés, soit quelque 3.200 personnes se trouvant dans les camps de Bjelovar, Slavonska Pozega et Camprag. Toutefois, les déportations 'illégales' se sont poursuivies même au cour des mois qui ont suivi. Par leurs transports légaux et illégaux, les oustachis ont transféré 118.000 Serbes en Serbie avant la fin-1941. (37)


LA CONVERSION AU CATHOLICISME

Le haut-clergé de l'église catholique croate avait établi la coopération la plus étroite avec les autorités oustachis. A sa tête se trouvait l'archevêque de Zagreb Mgr Alojzije Stepinac, qui a salué la création du nouvel Etat et donné sa bénédiction à Ante Pavelic. La majorité des évêques catholiques (Mgr Saric de Sarajevo, Mgr Bonefacic de Split, Mgr Pusic de Hvar, Mgr Srebrenic de Krk, Mgr Buric de Senj, Mgr Aksamovic de Djakovo, Mgr Garic de Banja Luka, Mgr Mileta de Sibenik) ont activement travaillé à la propagation du régime oustachi et un certain nombre de prêtres et de moines portaient l'uniforme oustachi, tout particulièrement les franciscains de Bosnie qui ne dissimulaient nullement leur participation aux crimes. (38)

Une Direction d'Etat pour le Renouveau - 'Secteur religieux' planifiait la conversion d'un million de Serbes au catholicisme. Les dispositions juridiques de la loi concernant la foi catholique interdisaient officiellement les conversions forcées, mais les pressions et la peur des représailles étaient les motifs principaux des 'demandes' déposées pour l'adhérer à la nouvelle religion. Le frère franciscain Dionizije Jurcev, qui a dirigé jusqu'en novembre 1941 les actions en vue de la conversion au catholicisme, a déclaré dans le cadre d'un discours: "Dans ce pays, nul autre que les Croates ne peut vivre, car ce pays est croate et ceux qui ne voudront pas se convertir, nous savons où nous les enverrons. (...) Aujourd'hui, il n'y a pas de péché à tuer même un petit enfant de 7 ans, qui fait obstacle à notre mouvement oustachi. (...) Oubliez que je porte des habits sacerdotaux; sachez que je peux, lorsque c'est nécessaire, prendre une mitraillette et exterminer, jusqu'au berceau, tout ce qui s'oppose à l'Etat et aux autorités croates." (39)

Le Ministre oustachi Mirko Puk soulignait que le NDH "soutient l'action de la conversion des gréco-orientaux à la religion catholique, car cette conversion n'est que le retour à la religion des aïeux", et il concluait en disant que celui qui ne désire pas "pour quelque raison que ce soit, reconnaître cet état de fait historique, il ne lui reste plus qu'à quitter le territoire de cet Etat." (40) Là où les conversions n'étaient pas couronnées de succès, les emprisonnements et les massacres se poursuivaient. En février 1942, les unités oustachis ont procédé à des massacres dans les environs de Banja Luka tuant quelques 2.300 Serbes. Et il y a même eu des cas où des Serbes devenus catholiques étaient emmenés dans les camps. A la fin-mai 1942, tous les Serbes de Bosanska Dubica ont été emmenés dans un camp de concentration, même ceux qui s'étaient convertis au catholicisme. Selon les données disponibles, environ 240.000 Serbes ont fait l'objet de conversions forcées entre 1941 et 1942. (41)

L'envoyé du gouvernement oustachi auprès du Vatican, dr Rusinovic, dans un rapport du 9 mai 1942 "fit savoir à Zagreb que le Saint-Siège était en possession d'au moins huit mille photographies sur les massacres de Serbes orthodoxes". Le cardinal francais Eugène Tisserant "s'indigna contre la disparation de 'trois cent cinquante mille Serbes' et sur le comportement lamentable des franciscains de Bosni-Herzégovine."(42)


LE NOMBRE DES VICTIMES

A ce jour on n'a pas établi avec précision le nombre définitif de Serbes qui ont été victimes de la terreur oustachie dans l'Etat Indépendant Croate car il n'a pas été systématiquement effectué de recherches dans tous les lieux où les crimes ont été commis. Les estimations approximatives varient entre 300.000 et 700.000. Si le chiffre de 35.000 Juifs et de 25.000 Tziganes n'est pas contesté, le nombre de victimes serbes est depuis plusieurs décades l'objet de manipulations politiques, car en réduisant la dimension de l'holocauste serbe on tend soit à le démentir complètement soit à le minimiser et à le placer au rang des vengeances qui ont été faites sur les musulmans en Bosnie orientale et des fusillades en masse d'Oustachis capturés, à la fin de la guerre. Robert Fisk a récemment souligné que le nettoyage ethnique des Serbes en Bosnie avait des dimensions colossales et qu'il avait personnellement eu l'occasion aux archives de Banja Luka de lire plusieurs dizaines de milliers de dossiers d'origine oustachie. (43)

NOTES

* historien, Institut des études balkaniques
Academie des Sciences et des Arts, Belgrade

(1) En langues occidentales: L'oeuvre général sur l'Etat oustaschi la plus complète: Ladislaus Hory - Martin Broszat, Der Kroatische Ustasha Staat 1941-1945, Stuttgart, Deutche Verlags-Anstalt, 1964. Sur les crimes oustachis l'oeuvre plus complète: Edmond Paris, Genocide in Satellite Croatia 1941-1945. A Record of Racial and Religious Persecutions and massacres. Translated from the French by Louis Perkins. The Institute for Balkan Affaires, Chicago 1962. Cf. recent traduction du serbo-croate: V. Dedijer, The Yugoslav Auschwitz and the Vatican. The Croatian Massacre of the Serbs during World War II, Prometheus Books Buffalo-New York and Ahriman Verlag Freiburg Germany, 1992. Oeuvres croates les plus complètes: F. Jelic-Butic, Ustase i NDH, Globus-Skolska knjiga, Zagreb 1977; B.Krizman, Pavelic izmedju Hitlera i Musolinija, Globus, Zagreb 1983. En francais: H. Laurière, Assasins au nom de Dieux, Paris 1951; Kruno Meneghello-Dincic, L'Etat 'Oustacha' de Croatie (1941-1945), Revue d'histoire de la Deuxième Guerre mondiale, N° 74, avril 1969, pp.43-65; Xavier de Montclos, Les chrétiens face au nazisme et au stalinisme. L'épreuve totalitaire, 1939-1945, Editions Complexe, 1991, pp.151-179.

(2) B.Krizman, op. cit., p. 129

(3) E.Paris, op. cit., p. 47 note 7. Cf. Carlo Falconi, Le silence de Pie XII 1939-1945, Monaco, editions du Rocher, 1965, p. 274.

(4) F. Jelic-Butic, op. cit., p. 14, 15, 23.

(5) Hrvatski narod, Zagreb, 25 decembre 1941. Cf. H. Laurière, op. cit., p. 88.

(6) Ante Starcevic, Izabrana djela, édité par Blaz Jurisic, Zagreb 1942, p. 430.

(7) Hrvatska krajina, Banja Luka, 28 mai 1941.

(8) F. Jelic-Butic, op.cit., pp. 196-201.

(9) Hrvatski narod, Zagreb, 17 avril 1941, N° 64 et 67.

(10) Sime Balen, Pavelic, Zagreb 1952, p. 65.

(11) B. Krizman, op. cit., pp. 120-121.

(12) Novi list, Zagreb, 2 juin 1941.

(13) F. Jelic-Butic, op.cit., p. 164, note 95.

(14) B.Krizman, op. cit., pp. 123-124.

(15) Viktor Novak, Magnum Crimen. Pola vijeka klerikalizma u Hrvatskoj, Zagreb 1948, p. 605. (réedition 1986)

(16) B. Krizman, op.cit., p. 124.

(17) F. Jelic-Butic, op.cit., p. 166.

(18) Ibid., p. 167. Une documentation similaire avec une liste quelque peu détaillée des persécutions: E.Paris, op.cit., 59-60, 80-87, 104-107. Sur les crimes oustachis en Herzégovine cf. Savo Skoko, Pokolji hercegovackih Srba 1941, Beograd 1991. Un témoignage direct sur les crimes oustachis est présenté par Jean Hussard, Vu en Yougoslavie 1939-1944, Lausanne 1944.

(19) E.Paris, op. cit., pp. 103, 127.

(20) Johnatan Steinberg, All or Nothing. The Axis and the Holocaust 1941-1945, Ruthledge, London and New York 1990, pp. 29-30.

(21) Ibid., p. 30.

(22) Ibid., p. 38.

(23) Stato Maggiore Generale, Ufficio informazioni, Doc. Nos 00001-00129. Cf. la traduction serbe des documents: L. Malikovic (ed.), Krvavi bilans Nezavisne Hrvatske. Iz tajnih dokumenata italijanske armije, Revija 92, Beograd 1991, pp. 1-55.

(24) F. Jelic-Butic, op. cit., p. 186.

(25) Ibid., p. 187, note 214.

(26) E.Paris, op. cit., pp. 132-133.

(27) Ibid.

(28) F.Jelic-Butic, op. cit., pp. 186-187.

(29) E.Paris, op. cit., p. 129.

(30) Ibid., p. 130.

(31) Antun Miletic, Koncentracioni logor Jasenovac, Beograd 1986, vol. I, p. 161.

(32) Dragoje Lukic, Rat i djeca Kozare, Beograd 1990, 394 p. avec la liste des 11.196 enfants que les oustachis ont tués pendant la période 1941-1945.

(33) Dragoslav Stranjakovic, Najveci zlocini sadasnjice. Patnje i stradanje srpskog naroda u Nezavisnoj drzavi Hrvatskoj, Decje Novine - Jedinstvo, Gornji Milanovac et Pristina, 1991, pp. 127-185.

(34) B. Krizman, op. cit., p. 127.

(35) F. Jelic-Butic, op. cit. p. 172.

(36) Neue Ordnung, Berlin, 24. août 1941.

(37) F. Jelic-Butic, op. cit., pp. 170-171; B. Krizman, op. cit., p. 127.

(38) V. Novak, op. cit., pp. 450-700; F. Jelic-Butic, op. cit., pp. 214-221.

(39) V. Novak, op. cit., p. 627.

(40) F. Jelic-Butic, op. cit., p. 175. Cf. Dokumenti o protunarodnom radu i zlocinima jednog dijela katolickog klera, Zagreb 1946, passim; La nouvelle documentation: Dragoljub R. Zivojinovic-Dejan Lucic, Varvarstvo u ime Hristovo. Prilozi za Magnum Crimen, Beograd 1988, passim.

(41) F. Jelic-Butic, op. cit., p. 175. Cf. Sima Simic, Prekrstavanje Srba u Drugom svetskom ratu, Titograd 1958, passim.

(42) X. de Montclos, op. cit., p. 178.

(43) Robert Fisk, 'Cleansing Bosnia at the Camp called Jasenovac', The Independent, August 15, 1992. Cf. Richard West, 'Convert a third, kill a third', The Guardian, August 20,1992.


Shortened version of this article was published in: Hérodote, N° 67, Paris 1992, pp. 70-80.
Dusan T. Batakovic
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