Gligor Stanojević
Le Métropolite Vasilije Petrovic еt son Époque (1740—1766)
Sur base du matériel des archives d'Etat à Venise, des archives yougoslaves à Kotor et à Dubrovnik, ainsi que des sources publiées tirées de nos archives et de celles étrangères, l'auteur a, tout en mettant au premier plan le métropolite Vasilije Petrovic, comme une personnalité dirigeante de son époque, élaboré l'histoire du Monténégro de cette époque là.
Le Monténégro est, pour bien des raisons, un pays unique en son genre dans la Péninsule balkanique. Son caractère physique est tel qu'il favorisa le partage de ses habitants en petites communautés-tribus. La société de tribus monténégrines est la seule société paysanne de cette époque dans la péninsule balkanique sans aucune forteresse et ville. Pas un seul peuple dans les Balkans a eu à confronter un tel défi géopolitique comme les Monténégrins. Coincés entre les Vénitiens et les Turcs, le catholicisme et l'Islam, qui étaient d'une manière tenace hostiles à l'Orthodoxie, les Monténégrins devaient lutter sans cesse pour leur existence et leur identité nationale. Il était du devoir des Monténégrins de rester en vie, non seulement à cause de leur propre conservation, mais parce qu'ils croyaient qu'ils étaient les instruments d'une destinée historique, gardiens de la gloire serbe et du serment du Kosovo. Tout ce qui entourait les Monténégrins, de la nature jusqu'aux voisins, leur était hostile. Un petit pays, rocheux, sans assez d'eau, que, tout en déployant les plus grands efforts humains ne pouvait nourrir sa population.
Du point de vue de son développement social, la société monténégrine composée de tribus, présente une régression par rapport au féodalisme qui a été une étape de développement positif entre la société d'esclavage et le capitalisme. Du point de vue de la sauvegarde de leur identité nationale et de la lutte contre le pouvoir étranger et l'infiltration d'influences exotiques, cette société de tribus monténégrines montra une vitalité extraordinaire. Elle prouva qu'elle était impénétrable envers ses voisins vénitiens et turques que les Monténégrins méprisaient bien qu'ils n'auraient nullement pu exister sans eux.
La configuration de la terre et les conditions climatiques sont diverses et offrent des possibilités de développement limitées: l'élevage du bétail, la culture de la terre, la viticulture et la pêche. L'économie rurale monténégrine consistait en premier lieu en l'élevage du bétail. Le but du gain était tout juste celui de se maintenir en vie, en premier lieu la nourriture, l'habillement et l'habitation. Le travail n'a pas comme but un progrès économique, ni individuel, ni collectif. C'est la raison pour laquelle pendant des siècles l'économie ne progresse guère, et au XVIIIe siècle, elle décroît même. A ce moment là, les Monténégrins sont en lutte continuelle contre les Turcs, et en friction avec les Vénitiens. Le nombre du bétail et des produits agricoles diminue. Le danger de l'existence même de l'homme est menacée sans cesse. Les Monténégrins vivent presque à la limite de la famine ou dans la crainte de celle-ci, sans égards combien l'homme se donne de la peine. Des données sur la famine sont très fréquentes. Le surplus de la population émigrait dans les territoires vénitiens et turcs, en Italie voisine ou en lointaine Russie. A ce moment là, le Monténégro comptait environ 25.000 habitants.
L'homme sous les armes comme l'était le Monténégrin, ne se résignait pas à sa destinée attendant tranquillement la mort par la faim. Tout ce qu'il n'avait pas chez lui, le Monténégrin s'appliquait de se le procurer chez le voisin ennemi. C'est pourquoi il attaquait continuellement le territoire turc. Le Monténégro était, d'après la loi internationale, une partie intégrante de l'Empire Ottoman, avec le seul engagement de payer un tribut en argent. Il n'y avait pas de Turcs sur le territoire monténégrin, ni de musulmans. C'est pourquoi les Monténégrins croyaient qu'ils étaient libres et indépendants des Turcs.
La société tribale monténégrine, bien que sans classes et sans pouvoir, existe et se développe sur base du droit coutumier. Les tribus ont des lieux de rassemblement. A ces assemblées on solutionnait les conflits entre les tribus et décidait des relations avec les voisins. L'institution commune de toutes les tribus monténégrines est bien l'Union de tous les combattants (Zbor) monténégrins. Tout combattant pouvait se rendre à cette réunion et prendre part à la discussion des questions soulevées. C'était là, le plus nombreux "parlement" à ciel ouvert dans l'Europe de cette époque. En principe, les décisions prises par cette Union des combattants monténégrins étaient obligatoires pour toutes les tribus. Mais en pratique, il était difficile de les appliquer. En plus de cette Union, il existait des réunions de districts et des réunions tribales pendant lesquelles les membres rassemblés de la tribu prenaient des décisions dans le cadre de leur compétence. C'est l'essence de la démocratie monténégrine à cette époque.
Dans une telle société sans classes et sans pouvoir, l'homme était obligé de s'appuyer sur la large communauté: la famille, la fraternité, la tribu et le district. Avec leurs forces de fraternité ou de tribu communes, ils défendaient leurs frontières et leurs biens. La propriété commune: forêts, pâturages et l'eau avaient plus d'importance pour le Monténégrin que la propriété familiale privée. De toutes les passions qui dominent le Monténégrin de cette époque, les plus marquantes sont la vengeance du sang, (vendetta) et le caractère belliqueux. Au Monténégro, l'esprit guerrier est un état psychologique normal. Le combat, c'est à dire le pillage des territoires turcs, fait partie des plus importantes professions de l'homme. En raison des conditions économiques et sociales, guerroyer atteignit le degré d'une institution nationale. Le butin de guerre le plus précieux pris sur le territoire ennemi sont le bétail et les esclaves. Le prisonnier pouvait en règle générale être racheté et cela était considéré comme une des coutumes à cette période là. L'empressement montré pour que la force soit liée à la compréhension de la justice tribale et l'honneur prescrit des règles formelles non écrites de comportement envers l'ennemi. Dans cette société guerrière, une des traditions les plus belles et les plus humaines qui se soit développée au Monténégro était l'hospitalité. D'après la règle, on ne pouvait pas fermer sa porte même à un ennemi mortel.
Le mécanisme de la démocratie tribale est très simple, mais non pas efficace. A la tête de chaque tribu (il y en avait à peu près vingt), était le prince, et à la tête de tout le pays le "guvernadur" (gouverneur). Toutes ces fonctions étaient en principe éligibles. La personnalité la plus influente fut sans conteste le métropolite. L'Église au Monténégro jouait un rôle important. Engagée dans la vie politique du pays, l'Église serbe au Monténégro, avait une fonction beaucoup plus mondiale que spirituelle. L'église devient le porteur des idées et de l'esprit moyenâgeux de l'État serbe. L'orientation religieuse était identifiée à l'appartenance nationale. La fonction de métropolite au Monténégro, fut héréditaire dans la maison des Petrovic, depuis 1697; ce qui a exalté son prestige dans le pays et à l'étranger.
Dans l'histoire des sociétés de race, la société tribale monténégrine représente une particularité. Elle a germé sur les vestiges de la société féodale et s'est développée sous la forte influence de l'héritage culturel et historique de l'État moyenâgeux serbe. La culture patriarcale monténégrine s'était abreuvée à ce même fleuve dont les sources sont dans l'Orthodoxie et l'État serbe du Moyen-Âge. Cette tradition était la plus vitale de toutes les autres influences dans la société tribale monténégrine. Bien que le Monténégro soit divisé en tribus qui se sont souvent combattues, les Monténégrins sont un peuple uni par une même foi, tradition, culture, qualités psychiques et un territoire unique. Cependant, de tous les sentiments d'appartenance collective et de l'interdépendance humaine, dans le sens moral, intellectuel et spirituel, le plus fort et le plus intime est le sentiment tribal.
Une société aussi authentique sur la péninsule balkanique existait et s'est maintenue entre deux conquérants, — à l'Est, l'Empire Ottoman, — à l'Ouest, Venise. Par la paix de Pozarevac, en 1718, Venise met fin à sa guerre séculaire contre les Turcs, et en même temps ne fait plus partie des puissances européennes. Cette paix signifiait également la fin d'une collaboration politique et guerrière qui avait duré deux siècles entre Venise et le Monténégro. C'est alors que ces deux pays s'éloignent de plus en plus l'un de l'autre et finalement tout se termina par une hostilité ouverte. En même temps, les Monténégrins renforcent leur lutte contre les Turcs et réclament l'aide et la protection des États européens qui ont des prétentions territoriales vis-à-vis de l'Empire Ottoman. Et ces États sont la Russie et l'Autriche.
La décadence de l'Empire Ottoman, qui commence déjà au XVIe siècle, atteint au XVIIIe siècle des dimensions catastrophiques. Leurs sujets formaient un conglomérat de diverses nationalités qui différaient par leur foi, langue et manières de vivre. Les Turcs représentaient un groupe minoritaire régnant et oppresseur. Cet immense empire avait seulement une apparence fictive d'unité. Depuis le début du XVIIIe siècle, l'Empire Ottoman est secoué par des insurrections plus ou moins grandes et des résistances ouvertes contre le pouvoir central, tant par la population chrétienne que musulmane.
Les conditions d'une lutte pour l'indépendance deviennent, avec l'affaiblissement de l'Empire Ottoman, pour les peuples maritimes, de plus en plus favorables. La lutte pour l'indépendance entreprise par les Monténégrins contre les Turcs, et commencée avec l'appui de Venise, se prolongera au cours du XVIIIe siècle. Les Monténégrins se trouvaient en guerre constante contre les Turcs. Ils menaient en réalité une guérilla, ce qui répondait le mieux à leur structure sociale et à la fin de leurs exploits guerriers: le pillage de la proie de l'ennemi. Si nous voudrions résumer en une seule phrase l'histoire de cette époque, alors nous pourrions dire que les Monténégrins vivent sous les armes et par les armes. Une idée s'était formé chez le peuple au sujet de cette lutte comme s'il s'agissait d'une action chevaleresque, et la rapine sur l'ennemi était considérée comme une manière de gagner par le travail. Prendre par la force les biens d'autrui, même dans le but de se maintenir en vie, ne peut qu'être considéré comme gagner son pain.
Depuis le début du XVIIIe siècle, les Turcs, n'attestent plus leur droit sur le Monténégro, et exigeaient seulement qu'un tribut leur soit payé: une taxe tributaire des plus minimes. Les Monténégrins se sont libérés du pouvoir suprême turc, avant même d'être mûrs pour se gouverner eux-mêmes. Les Monténégrins ne réussissent pas à organiser une administration dans le pays, mais continuent à vivre en tribus démocratiques, situation qui mène à l'anarchie.
Depuis le moment où la Russie, sous le règne de Pierre Ier, se forge une place dans le rang des puissances européennes, les rapports des peuples slaves sous la domination turque et autrichienne se renforcent bien vite avec la Cour et l'Église russes. Le culte de l'Empereur Pierre le Grand, qui commença à s'étendre bien plus parmi les Serbes que parmi les Croates, et cela déjà de son vivant, stimule l'espoir du peuple serbe qu'à l'aide des armes russes, il pourrait se libérer des Turcs. Les Serbes voyaient leur salut dans la sauvegarde de leur religion. C'est pourquoi on accueille et glorifie tout ce qui est russe. Les livres ecclésiastiques russes envahissent les églises serbes. A Karlovac, en 1726, une école slave est ouverte. La langue russo-slave, un mélange de russe et de serbe devient la langue des écoles, des personnes érudites et de l'Église.
Les Monténégrins sont les premiers Serbes à avoir établi des relations politiques avec la Cour de Russie. La Russie a, pour des raisons religieuses et politiques, adopté le Monténégro, ce qui fut néfaste pour son développement historique. Le métropolite Vasilije Petrovic (1709-1766) a été un adepte fanatique de la Russie. Appartenant à une famille distinguée qui avait déjà donné deux évêques, Vasilije avait été désigné pour être le futur successeur. Très tôt, il passa de son lieu de naissance Njegusi à Cetinje et commença son instruction dans l'unique école monacale du pays. N'attendant pas de succéder à son oncle, le métropolite Sava Petrovic, Vasilije, réussit bien vite à s'imposer tant à Sava qu'aux Monténégrins, et devint une personnalité dirigeante dans le pays.
Observant la société tribale monténégrine, Vasilije se rendit compte de toutes ses faiblesses et défauts. Il se rendit bien vite compte que cette société était lente et inefficace dans le contact avec le monde extérieur, que la démocratie tribale entrave l'activité des personnes douées et étouffe les fortes personnalités. Il remarqua également que cette société se laissait facilement conduire par une personnalité ayant réussie. Le renom de sa maison et tribu, le stimule dans son ambition illimitée de prendre une voie de politique toute contraire à celle pratiquée jusque là par la société tribale. Il s'est révolté contre son temps et refusa d'être le prisonnier de cette société tribale. Vasilije est le premier évêque monténégrin qui essaya d'esquiver l'Assemblée, et de mener sa propre politique tout seul ou bien en compagnie d'un petit nombre de ceux qui avaient les mêmes opinions politiques que lui. Il tentait de rompre les chaînes du conservatisme tribal toujours tourné vers le passé et il dirigea son regard vers l'avenir. Rester inaperçu sous la domination suprême turque et dans l'ombre de la Venise caduque, ou bien chercher une porte de sortie à cet état de choses, au prix même de victimes, était le dilemme principal de l'histoire monténégrine de cette époque. Vasilije choisit la porte de sortie qui était tout aussi épineuse qu'elle était honorable. C'était la voie de l'avenir. Son oncle, le métropolite Sava Petrovic était plutôt pour le maintien de l'État existant en s'appuyant sur Venise. Un tel conflit personnel pour le pouvoir entre les deux premières personnalités monténégrines, se développa en une lutte entre deux conceptions politiques sur l'avenir du Monténégro.
Vasilije essaya au début à s'appuyer sur Venise, ce qui voulait dire la continuation de la politique traditionnelle du Monténégro. Lorsqu'on 1742, le métropolite Sava se rendit en Russie, pour prier cette dernière de continuer à prêter son aide au Monténégro, il resta deux ans à Petrograd. Vasilije se rendit en 1744 à Venise dans le but d'élever son prestige et d'atteindre un profit matériel direct. C'est la raison pour laquelle un conflit éclate entre le métropolite Sava et Vasilije, mais ils se réconcilièrent vite et l'archimandrite Vasilije devint le substitut de Sava et fut plus tard consacré évêque par le Patriarche Antanasije à Belgrade en 1750. Depuis ce moment là, il devient la personnalité dirigeante dans le pays.
Lorsqu'il se rendit compte qu'il ne pouvait rien attendre de Venise et que la République étouffe la lutte libératrice contre les Turcs, Vasilije se tourna entièrement vers la Russie. Déjà, dès le début de 1751, l'évêque Vasilije écrit de nombreuses lettres à diverses personnalités russes et prépare le terrain pour se rendre en Russie. A la fin du printemps 1752, Vasilije part pour la Russie où il y resta presque deux ans. Vasilije cherchait à convaincre la Cour de Russie que le Monténégro était le seul pays libre sur la péninsule balkanique, qu'il a une mission particulière entre les peuples serbes. Il réclama la protection de la Cour russe et exigea que le Monténégro soit inclus dans le titre de sa Majesté impériale; ce que l'Impératrice russe refusa. La Cour de Russie accorda au Monténégro une aide en argent et lui envoya des livres religieux. En 1754, Vasilije fit paraître en Russie une Histoire du Monténégro, dans le but de faire connaître aux personnalités politiques russes le passé de son peuple. Cette oeuvre a été dédiée au comte Mahial Ilarinovic Voroncov. C'est là la première histoire éditée sur le Monténégro qui a eu une grande influence sur le développement de l'historiographie romantique serbe chez les Serbes. Le but politique de Vasilije était celui de démontrer l'indépendance séculaire du Monténégro et la légitimité du pouvoir du métropolite monténégrin. Vasilije fit aussi de la poésie et laissa également des traces dans des récits de voyages.
Lorsqu'il retourna au pays, vers le milieu de septembre 1754, l'évêque Vasilije, convaincu qu'il était couvert par la Cour de Russie, commença une lutte résolue contre les Turcs et les Vénitiens. Avant le retour de Vasilije au Monténégro, l'évêque Sava et les chefs monténégrins avaient accepté de payer un tribut aux Turcs. Vasilije s'opposa tout de suite à cet accord, le considérant contraire à ses plans politiques et aux intérêts du Monténégro. Le refus de payer ce tribut a été la cause de la guerre turco-monténégrine. C'est pour la première fois depuis la chute sous la domination suprême turque, que les Monténégrins sont entrés consciemment en guerre contre les Turcs. Ce fut là l'œuvre du métropolite Vasilije Petrovic. Venise a fait tout ce qu'il pouvait pour que les Turcs règlent leur compte le plus vite possible aux Monténégrins. Le gouvernement vénitien décida à la fin de 1755, de faire empoisonner Vasilije, le considérant comme dangereux pour leurs intérêts dans cette partie de la mer Adriatique. Les Turcs commencèrent leurs opérations guerrières seulement à la fin de 1756. La résistance tenace des Monténégrins et le mauvais temps força les Turcs à la retraite. Ce fut la première fois qu'une offensive turque contre le Monténégro, se termina par un échec. Le bruit courut partout que les Turcs avaient été vaincus. Vasilije avait quitté le Monténégro avant le commencement des opérations turques, convaincu que par son départ il faciliterait la position des Monténégrins. Les Turcs demandaient seulement la tête de Vasilije.
Du Monténégro, Vasilije passa en Russie où il développa un travail très actif pour la migration des Monténégrins en Russie. C'est à ce moment là qu'un grand nombre de Serbes de l'Empire Ottoman et d'Autriche émigra en Russie. Malgré l'opposition des Vénitiens, la migration des Monténégrins est mise à exécution, mais non pas en une mesure aussi large à laquelle s'attendait Vasilije. Les immigrants ont quitté le Monténégro au début de mars 1758. À Trieste, Vasilije et les autres chefs monténégrins se joignirent à eux. À Petrograd, où il arriva au début de mars 1758, Vasilije développe une activité politique très vive, démontrant sa thèse favorite de la mission du Monténégro dans la péninsule balkanique. En Russie, un conflit ouvert éclata entre Vasilije et quelques uns des chefs monténégrins. Les accusations réciproques se terminèrent à la Cour de Russie.
Toutefois, on reçut à cette époque là en Russie, sur le compte de Vasilije et de son travail, certaines données qui ne lui étaient pas favorables. La Cour de Russie décida d'envoyer au Monténégro un délégué en la personne du colonel Puckov. Vasilije, Puckov et les autres arrivèrent au Monténégro vers la mi-août de 1759. Puckov soumit son rapport au Collegium des Affaires Étrangères le 21 mars 1760. Ce rapport était extrêmement défavorable pour le métropolite Vasilije, le peuple et le pays. C'est ce qui influença le refroidissement de la Cour de Russie envers le Monténégro.
Edifié par son expérience antérieure, que les Monténégrins ne peuvent en même temps s'opposer aux Turcs et aux Vénitiens sans courir de grands dangers, Vasilije mène une politique pacifique envers ses voisins. L'indisposition de la Cour de Russie envers le Monténégro lui fut difficile à supporter. La Russie était et resta pour lui l'espoir de toutes ses ambitions politiques. Graduellement, le temps fit son effet et la Cour oublia les péchés de Vasilije. Ce dernier calcula avec justesse qu'il pouvait à nouveau se faire valoir en Russie. Et en juin 1765, il se rend à Petrograd. Vasilije tomba malade en Russie et y mourut le 21 mars 1766. Il y fut enterrré avec de grands honneurs aux frais de l'État. Par sa mort en Russie, il a scellé l'amitié russo-monténégrine, qu'il servit fanatiquement pendant toute sa vie. C'est avec Vasilije que commença à se développer le culte de la Russie au Monténégro.
La conception politique de Vasilije sur le Monténégro, et de son rôle historique sur la péninsule balkanique est répandue dans ses nombreuses lettres et dans "L'histoire du Monténégro". On peut y lire un esprit visionnaire et romantique qui désire toujours plus que ce que ses forces ne le lui permettent. Il puisait ses conceptions dans les idéaux orthodoxes-slaves. L'idée fondamentale de Vasilije était que le Monténégro, à l'aide de la Russie, pouvait devenir l'étincelle de la liberté serbe. Il avait une idée vaste, mais une conception moins claire, d'un État balkanique qui comprendrait tous les peuples de la péninsule balkanique, sauf la Grèce, et qui aurait à sa tête le Monténégro. Une telle hégémonie du Monténégro dans les Balkans pouvait seulement naître dans la tête d'un homme tribal. En lui, tout était absorbé par un seul intérêt, une passion, un Monténégro libre et indépendant sous le protectorat de la Russie.
L'idée de Vasilije, au sujet de la libération et de l'union du peuple serbe, était novatrice pour son époque. Ce qui était pour lui seulement le songe d'un jour, deviendra réalité. Les idées ne s'évanouissent pas sans laisser des traces et vivent longtemps, surtout dans une société pauvre en possibilités intellectuelles.
Датум последње измене: 2007-09-20 20:22:07